Comment ai-je relevé le défi de « DRH à 25 ans » dans un secteur à haute complexité ?
Une situation avec multiple caractéristiques : jeune femme, dans un monde d’hommes et une région syndicalisée. J’ai démarré les 6 premiers mois à mi-temps partagé avec mon ancienne fonction de responsable RH.
Nous sommes au printemps 2002, je suis fraichement diplômée d’un Bachelor en sciences économiques, sociales et politiques et d’un Master en Sociologie. J’occupe une fonction de Responsable du développement RH dans une société aéronautique de grande taille. Je combine ma fonction avec un second Master en médiation à l’international.
Je m’éclate. Imaginez… j’ai des collègues géniaux, de superbes projets en cours, de belles responsabilités et des horaires fabuleux (avec congé le vendredi après-midi ;-)). En conséquence, tout est fait pour que j’y reste.
Tandis qu’une proposition étonnante m’invite à postuler pour rejoindre un aéroport belge en tant que Responsable RH.
« Ai-je bien entendu ? C’est à moi que vous vous adressez ? ».
J’ai 25 ans et 4 ans d’expérience professionnelle ; en réalité bien plus car j’ai démarré dès 14 ans durant toutes mes études dans la gestion d’un magasin de sport.
Là je me dis : « Ce n’est pas pour moi. Je suis trop jeune, je n’ai pas les compétences ». Mon mental s’emballe, je vais refuser.
Le rendez-vous avec le Directeur Général étant pris, difficile de décommander. Ce n’est pas dans mon tempérament de me dégonfler et d’annuler, même si je suis ravagée par le stress. « J’y vais et je refuserai, c’est certain ! ».
Une fois au rendez-vous, je suis complètement séduite par le projet.
Ils ont besoin de quelqu’un qui va se centrer sur le développement du personnel. Tout est à construire, j’ai carte blanche : ils souhaitent investir dans leurs équipes et la motivation du personnel. La fonction est incroyable, j’adore l’idée de la carte blanche. Je reçois un appel. Je suis sélectionnée, je n’y crois pas. Je décide finalement de tenter ma chance. Mon entourage proche me soutient… Et je fini par signer.
« Suis-je folle ? Vais-je le regretter ? ». Je ne me laisse pas le temps de réfléchir… Et je signe ! Oups ! C’est fait.
La fonction est à créer et motivée à bloc, je démarre. Je ne sais pas ce qui m’attend et avec le recul, cela vaut franchement mieux.
C’est ainsi que, à 25 ans, j’accepte le défi de devenir DRH dans un environnement hyper exigeant.
Je découvre une croissance à n’en plus finir, des défis et des enjeux journaliers de taille.
Très vite, avec mes yeux de sociologue, je constate un décalage entre la projection de la fonction et la réalité. Tout est à construire, les enjeux sont colossaux, la croissance de l’aéroport est énorme… Je vais devoir engager plus de 300 personnes et nous allons déménager des années plus tard dans un nouvel aérogare. Les risques sont majeurs.
Selon ma première analyse de la situation, il est nécessaire de redéfinir l’objectif de ma mission.
Il s’agit de construire des fondations inexistantes vu la croissance trop rapide (plutôt que de se centrer sur le développement du personnel qui m’avait fortement séduite. Je sais que sans fondation cela n’a de sens).
La fonction s’oriente donc vers de la gestion, de la négociation syndicale de longue haleine et de la législation sociale : la majorité de ces aspects ne sont pas dans mes cordes.
Le démarrage est complexe, je reçois ma carte de visite « Directrice des Ressources Humaines » : « hein ? vous m’aviez parlé de responsable RH, j’ai mal entendu ? ». J’ai un bureau que je qualifie « de président » qui me met mal à l’aise, une voiture de société. J’étais pourtant si bien dans ma petite corsa. Des fleurs pour m’accueillir… Quel magnifique accueil !
Au final, je découvre que je fais partie du Comité de Direction. Mon influence sur la structure est directe.
J’en suis plus qu’intimidée. Ce monde est complexe, plein de paradoxes et très masculin.
Certains de mes collègues ont 20 ans de plus que moi. Je me demande souvent ce que je fais là. J’ai le sentiment qu’il y a une erreur de casting. Et voici au galop le « syndrome de l’imposteur ».
L’enjeu étant bien plus grand que celui que j’avais imaginé. Je me suis engagée à démarrer à mi-temps dans ma fonction de DRH avec une mission de consultante mi-temps. Ce qui me permettait d’assurer la reprise remise de mon ancienne fonction. Allez hop, une nouvelle casquette.
« Mission impossible » me dis-je. « Si j’étais temps plein, c’était une mission impossible. Là, j’ai deux casquettes à responsabilités, je risque de me perdre complètement ». Je me retrouve dans un paradoxe complexe et profond. Au final, je me suis engagée, c’est une corde sensible car dans mes croyances profondes il est impossible de me désengager. Je me suis mise en danger, je ne peux plus reculer… et si j’avance, je vais griller mes ailes.
Comment ai-je fait pour réussir ce challenge hors norme, si jeune?
Chaque soir, je reviens très tard et je pleure en me disant « demain, c’est fini je n’y retournerai plus, je n’y arriverai jamais ». Et chaque lendemain, je me relève très tôt et j’y vais, la boule au ventre avec une petit voix intérieure qui me dit : « que vais-je découvrir aujourd’hui ?, à quelle sauce vais-je être mangée ? ».
Comment ai-je fait pour réussir ce challenge hors norme, si jeune ?
En toute honnêteté : je ne sais pas !
Je ne me suis jamais posée la question, jusqu’à ce jour où, dans ma tête, une autre petite voix s’est mise à me questionner. « Et toi, comment tu as fait pour réussir ce challenge haut vol à 25 ans, DRH d’un aéroport, jeune femme, dans un monde complexe avec (ça je ne vous l’avais pas dit) une maison en construction et plus tard 2 enfants en bas âge. Il y a certainement des clés que tu peux transmettre ! ».
J’ai donc décidé de laisser parler mon cœur et d’écrire… « Je verrai bien ce qu’il en ressort ».
Je vous offres mes 7 clés pivots :
L’attente de mon arrivée était ressentie. En effet, la pression du personnel, des syndicats, des collègues et même des interlocuteurs externes était énorme. Tandis que tout avait été mis en stand by « en attendant que la nouvelle DRH soit là ». Vous imaginez le truc. Moi, je vous avoue que je préfère ne plus y penser. Chaque mot que je prononçais au personnel ou aux syndicats était gravé dans la pierre. Non seulement, je devais assumer mes dires, les peser avec tact et mesure. Et surtout, je devais oser m’exposer et endosser cette fonction.
- Semer et faire germer la confiance au travers de petites réussites : donc, j’ai ciblé un travail autour de moi sur la confiance. Un pivot central de la situation analysée. Chaque fois que je m’engageais à la réalisation d’un objectif, « par la porte ou par la fenêtre », je respectais tous mes engagements. J’appliquais la politique des petits pas. De petites actions, dans un délai plus que réaliste. Réaliser et finaliser de petites réussites. Le piège était tentant de faire l’inverse et de voir grand.
- Construire une équipe soudée qui parle le même langage : j’ai crée une équipe RH forte, engagée, professionnelle autour de moi. Nous avions une vision et une mission RH commune, des outils pratiques en communs. Mon équipe RH est passée de 1 à 5 collaborateur·trice·s, en 3 ans. J’ai mis du temps à comprendre cette clé. En fait, tout à changé une fois que je l’avais intégrée. Je vous partage mon indicateur de réussite. A la naissance de mon 1er fils, 3 ans après mon arrivée dans cette fonction, mon équipe était complètement autonome durant les 3 mois de congé de maternité.
- S’entourer de personnes compétentes, de mentors et savoir déléguer : je me suis entourée de professionnels pour les matières dont je n’avais pas l’expérience ou les compétences. Les matières liées à la législation sociale, la négociation syndicale, la gestion de la paie. Voici une clé majeure dans des défis de haut niveau : reconnaître ma parfaite imperfection.
- Faire partie d’un réseau de pairs : très rapidement, j’ai rejoins un réseau de DRH. Cette clé était essentielle pour se sentir entourée dans ce métier complexe. Cela m’a permis d’échanger nos bonnes pratiques, anticiper les changements législatifs, faire de la veille technologique. Un essentiel.
- S’investir dans de la formation continue : je me suis formée continuellement depuis 2022 jusqu’à aujourd’hui. Mon objectif était d’acquérir de l’autonomie, des outils pratiques, d’augmenter ma crédibilité et mon impact vis-à-vis du Comité de Direction.
Dont 2 outils précieux :
- Résoudre les problématiques avec le personnel de terrain : avec mes yeux de sociologue, j’ai rapidement apporté une approche que j’avais découverte lors de mon stage en Master dans un bureau d’architecture et urbanisme en France. En 1998, j’avais expérimenté l’effet pertinent et salvateur des groupes de travail. Telle une boucle rétroactive de du premier pivot partagé ci-dessus : la confiance.
- Mettre en pratique l’outil Process Communication Model® (PCM) de Taibi Kahler (créé pour NASA) ainsi que l’Analyse Transactionnelle de Eric Berne. C’est-à-dire des outils pertinents, scientifiques que j’avais eu la chance de recevoir au travers de formations durant ma première expérience professionnelle. L’outil PCM® a contribué à ma lecture des enjeux relationnels, la compréhension de mon environnement, ses paradoxes. Il m’a donné des clés pour savoir comment y répondre de manière pratique avec stratégie et clarté.
Bien d’autres ingrédients m’ont permis de réussir ce défi de taille pour équilibrer la vie professionnelle et privée et c’est une autre histoire.
Mes 7 ingrédients m’ont permis de surfer sur cette vague énorme qui me semblait insurmontable.
Et pourtant, j’y suis arrivée car ce n’est que 7 ans après que j’ai quitté l’aéroport pour me lancer dans un autre défi : celui de devenir entrepreneuse. Un rêve dont les graines étaient semées lors de ma première expérience professionnelle. Mais ça, c’est également une autre histoire 😉
Aujourd’hui, cela fait 14 ans que je suis entrepreneuse et je suis en gratitude d’avoir eu « la chance » de dépasser mes plus grandes peurs car à chaque fois, j’y ai découvert les plus grand cadeaux.
Ce fameux bagage, que je transmets aujourd’hui au travers de SENSINK, ne sait pas construit tout seul. Je remercie vivement :
- Le Directeur Général qui avait vu en moi la capacité de relever ce défi (il se reconnaîtra).
- Mon équipe RH, mes collègues, tout le personnel, les syndicats, les interlocuteurs externes qui m’ont fait confiance et avec qui nous avons construit une très belle histoire.
- Pour conclure, mes mentors (qui se reconnaîtront également), mon mari qui m’a toujours soutenue dans mes défis les plus fous et toutes les personnes qui ont contribué, de près ou de loin, à cette expérience inoubliable.
Dans mon sac à dos j’ai de fameux outils bien ancrés combinés à une longue expérience dans un contexte incertain :
Ce défi, qui a duré 7 années, est une expérience unique et incroyable qui me sert chaque jour dans l’accompagnement de mes clients.
Et c’est une joie de transmettre toutes ces longues années de pratiques, les trucs et astuces qui m’ont permis de défier un tel challenge si jeune.
J’adore ces moments quand mes clients ou les participants de mes séminaires ont plein d’étoiles dans les yeux, ils en redemandent encore et encore.
Nous vivons un paradoxe sans précédent qui nous invite à une transition profonde dans un monde hautement complexe.
Ce qui nous pousse à ne plus suivre le fil rouge de ce que nous avons toujours tissé. Cela nous offre l’opportunité de créer de nouveaux fils emprunts de notre propre couleur, de sens et de reliance (lien et sens). C’est le moment de déployer ses ailes.
Chaque fil, de fil en fil, contribue à tisser la toile de la nouvelle ère sur laquelle les écosystèmes (humains et vivants) pourront surfer. J’adore mon métier, accompagner mes clients pour qu’il puissent tisser le fil emprunt de leur coloration unique.
Forte de cette expérience, un vrai laboratoire expérientiel, SENSINK offre aujourd’hui toutes ses clés et joyaux au travers de ses accompagnements, formations, workshops.
Photos @Anne Burniaux (Anne pays nordiques), @Pixabay, @Ewa Dziengielewicz (Anne et l’arbre)